Nourrir résilience & diversité essentielle: diffuser plutôt que de changer d’échelle
Daniel Christian Wahl, article publié dans Age of Awareness, Nov. 12 2019
Traduction : Josselin Butté
De nombreuses solutions régénératrices n’auront de qualité
régénératrice que le titre si elles continuent à tendre principalement en
premier lieux que vers un simple changement d’échelle : transformer un
projet en méga projet ou simple réplique en mode ‘copier / coller’ ne
relève pas de la régénération. Ce style d’approche, le copier/coller tout
comme le changement et l’augmentation d’échelle, a tendance à perdre
contact avec la nécessité de laisser les solutions émerger de l’unicité
culturelle et écologique du lieu, de ses habitants et de sa biorégion.
Nous pouvons certainement continuer d’apprendre de nos observations
des modèles issus des systèmes naturels pour concevoir comme la
nature, cocréer des solutions ancrées dans un terroir et ainsi stimuler les
conditions propices à toute forme de vie.
De manière générale, les écosystèmes naturels ne grandissent pas de
façon exponentielle tant en quantité qu’en taille. Ils ont plutôt tendance à
suivre un courbe logique de croissance jusqu’à un certain point, pour
ensuite changer et s’améliorer, que ce soit sur le niveau de leur
maturité, leurs qualités intrinsèques, leurs relations et interconnections,
sans pour autant continuer à croitre du point de vue quantitatif. Il nous
suffit de prendre un instant pour réfléchir sur notre propre
développement qui nous fait grandir et passer de l’enfance au stade
adulte. Notre espèce, l’espèce humaine, a depuis longtemps passé le
point où nous aurions dû changer et passer de la croissance quantitative
à une croissance qualitative. Passer du plus grand, plus gros, plus fort
au mieux et au plus pertinent.
La façon de changer l’échelle du design de systèmes régénérateurs est
par itération allant de l’intérieur vers l’extérieur, des modèles qui
fonctionnent et augmentent le niveau de santé et de vitalité générale
dudit système, tout comme ses niveaux de résilience et de capacité
d’adaptabilité. S’appliquer à faire cela nécessite toujours une attention
tout à fait particulière et une assiduité exemplaire quant au contexte, son
unicité, ses particularités, que ce soit sur les plans culturels et locaux ou
encore de l’écosystème local lui-même. Ceci entrainerait l’apparition de
systèmes décentralisés et distribués ayant comme qualités premières un
fort degré de redondance et donc de résilience pour affronter bon
nombre d’avaries et d’aléas.
Ceci forme l’essentiel des raisons qui font que je parle de cultures au
pluriel et non au singulier dans le titre de mon livre. La diversité même
de nos propres cultures ou encore, la diversité de perspectives fait partie
intégrante de la diversité de la vie. Cette diversité est un, si ce n’est le
principal et unique ingrédient magique de la recette qui permet de rester
créatif, adaptable et capable de répondre à l’inattendu, à l’imprévu.
Nous avons ainsi communément besoin de prendre le temps d’accueillir
et célébrer la diversité des perspectives que nous apportons tout en
prenant soin de bouger tous ensemble pour adresser les différentes
crises existentielles actuelles auxquelles l’humanité doit faire face. Un
niveau de collaboration hors norme à l’échelle globale est requis entre
les lieux ou plus exactement les biorégions.
Peut-être devrais-je également mentionner le fait que le paradoxe
inhérent dans le titre même est volontaire. En fait, il nous est quasiment impossible de concevoir des cultures régénératives. Les cultures ont
plutôt tendance à émerger d’interactions plurielles, d’interactions
qualitatives, de flux d’informations et de relations. Néanmoins, toutes
nos actions individuelles, et ainsi le fondement même de nos pensées,
le ‘comment nous réfléchissons le monde’, a un effet sur les possibilités
d’émergence de cultures. Participer de manière active et régénérative à
ce système complexe équivaut à agir en partant de l’intention même de
contribution à la santé et à la valeur pour le système dans son entièreté.
L’art et la science de la régénération réside dans l’humilité de vouloir
concevoir pour qu’émergent ce qui peut émerger au sein des systèmes
dans lesquels nous évoluons. Ceci est un des piliers et fondement de
mon travail qui invite à vivre les questions ensemble.
Si nous nous engageons à modifier l’échelle en diffusant les principes
mêmes de la régénération et de la santé, plutôt que d’augmenter
l’échelle en mode ‘scale up’ qui reviendrait à suivre une pensée erronée
qui consiste à croire que cette dernière approche est au service du
partout et du pour toujours, allons-nous pouvoir rapprocher les échelles
les unes aux autres, en rapprochant les lieux, la diversité et l’ancrage
des systèmes au service d’un apprentissage bien plus pertinent.
Ce qui s’ajoute à ceci est le processus même de le faire. Ceci nécessite
la capacité même du lieu à construire, à établir des systèmes
d’apprentissage durables, et la participation actives des gens et acteurs,
actrices du lieu. Le trajet et l’expérience qui vont nous conduire sur cette
voie vont aussi nous connecter de manière globale, localement adaptée
en tant qu’espèce, elle-même capable d’apprendre et de répondre à tout
changement, en communion avec le processus de transformation. Le
futur est glocal dans le sens où la diversité des cultures régénératives
inscrites dans une solidarité glocale et d’échanges de savoirs sont
toutes des expressions d’adaptation locale de l’unicité bioculturelle du
lieu.